Devenir un as de la dégustation devant les potes
ActualitésCet été, lors de nos vacances itinérantes, nous avons particulièrement aimé jouer les fourmis, même si nous avons également bien apprécié le chant des cigales.
Pourquoi les fourmis ? Parce qu’on avait envie de remplir notre toute nouvelle cave à vins et d’en partager quelques crus avec les amis qui nous avaient cruellement manqué durant les mois éprouvants du confinement.
Lors de notre retour nous avons fait plusieurs haltes dans des domaines viticoles variés et, c’est la cave débordante et l’ego surdimensionné par nos toutes nouvelles connaissances œnologiques que nous avons invité les « potes » à une dégustation.
S’initier à la dégustation de vin
Nous avions religieusement écouté tous les conseils dispensés dans la fraîcheur des caves et nous nous étions donc équipés comme des pros. En effet, un sommelier digne de ce nom et maniant la comparaison avec brio, nous avait averti que, déguster dans un banal verre à vin c’était comme demander à Zinedine Zidane de faire des jongles avec un ballon de plage gonflé à la bouche !
En bons élèves, admirateurs de la première heure de « Zinedine Zizou » et plus récemment du « digne sommelier », nous avions investi dans une verrerie adaptée. Ce qui signifie, des verres à calice large et à cheminée rétrécie. Ils permettent en effet d’aérer le vin et d’avoir une concentration aromatique s’élevant doucement vers les narines. Bref, nous avions acheté 24 verres « Inao ».
24 ?!
Oui, 24 : nous savions la maladresse de certains de nos amis et avions envie de pouvoir mettre devant chacun d’entre eux, plusieurs verres afin de faire les comparaisons en direct.
Enfin, nous avions investi dans un crachoir, la dégustation relevant avant tout de la recherche du plaisir et non de celle de l’ivresse. Et mieux valait prévoir pour ceux qui prendraient le volant.
Mais connaissant bien notre bande, nous avions également prévu matelas et duvets d’appoint, sachant que certains refuseraient de cracher l’irrésistible nectar et qu’ils s’en justifieraient à grand renfort de latin en criant : « In vino veritas ! », « Absentem lædit, qui cum ebrio litigat ! » ou encore « Abusus non tollit usum ! » * (Oui, nous avons des littéraires forcenés dans la bande…traductions en fin d’article.)
Organiser une soirée œnologique
L’idéal pour s’initier à la dégustation est de proposer deux à trois vins blancs et autant de rouges. Nous avions donc choisi :
– pour les blancs : un Beaujolais Village blanc et un Petit Chablis.
– pour les rouges : un Côte de Brouilly et un Brouilly.
Nous avions en effet fait le choix de comparer les mêmes cépages, à savoir le Chardonnay pour les blancs et le Gamay pour les rouges.
Nous les nommerions en début de dégustation tout en expliquant que cette dernière doit avoir un sens : on ne peut pas comparer un Pétrus avec un vin dit « des copains », ni un Puligny-Montrachet avec un blanc dit « de soif » **.
Les copains avaient répondu présents. Nous avions disposé les verres devant chaque place, le crachoir trônait au milieu de la table, le saucisson, la terrine, le pain et les fromages, notre mâchon à nous, avaient été planqués à la cuisine : nous voulions les réserver pour la fin de la soirée.
Nous avions également prévu papier et crayon si certains souhaitaient prendre des notes.
Animer une dégustation de vins
On est d’abord passé pour de « gros rabat-joie » lorsque nous avons servi 4 à 5 cl dans les verres.
« Oh les pinces ! » s’est même écrié l’un d’eux.
Nous avons réexpliqué le principe de la dégustation, l’utilité du crachoir puis avons annoncé les 3 étapes et quels sens nous allions solliciter. Comme ça grognait encore en bout de table, nous avons vaguement évoqué le mâchon et les bouteilles qui l’accompagneraient APRÈS la dégustation.
Ayant enfin conquis notre auditoire avec cet argument de taille, nous nous sommes lancés.
La robe du vin
D’abord, la vue ! Ne touchez à rien, regardez la « robe » du vin ! Est-elle violacée, rose, carmin, rubis, rouge intense, pourpre, tuilée, rouge brique ? (On en était aux rouges.) Repérez les reflets qui se situent sur les pourtours du verre : ils témoignent de l’âge du vin ! Pour les vins blancs on aura des teintes vertes et argent quand ils sont jeunes et des teintes plus orangées et brunes quand le vieillissement aura duré davantage. Et pour les rouges ont va des teintes de violacé et rose vers des teintes tuilées.
Comparez vos verres ! C’est ok pour tout le monde ? Allez, passons à la deuxième étape : l’analyse olfactive.
L’analyse olfactive du vin
Ne touchez toujours à rien !
« Rooooo mais pourquoi ? », s’impatiente le grognon de la bande.
Parce que nous allons faire « un 1er nez » !
« Waaaaaououououhhhhh ! », s’écrient les plus enthousiastes.
Inhalez les premières aromatiques du vin sans le remuer. Ça vous permet d’apprécier le « bouquet » naturel du vin, de voir comment il se livre et de juger de son intensité aromatique. Ok ?
Maintenant on va aérer le vin en le faisant tourner dans le verre. On oxygène le vin pour que son « bouquet » se développe encore plus. Vous sentez les aromatiques plus précises ? Il en existe différentes familles : les fruits, les fleurs, les boisées, les sous-bois, les empyreumatiques***, les herbes fraîches, les minérales, les épicées.
Fruité ? Alors, plutôt agrumes, citron, citron vert, bergamote ? Continuez vos comparaisons !
Enfin, nous allons goûter les vins.
« Houra ! », s’écrient les bois-sans soif.
L’analyse gustative du vin
Il s’agit de juger la saveur et la texture du vin dès les premiers instants. Gardez bien le vin en bouche, ok ?
Ensuite, on va en analyser le « cœur de bouche » en faisant une « rétro-olfaction ».
« Une quoi ? », crient-ils tous en chœur manquant de recracher leur vin.
La « rétro-olfaction » est le fait d’aspirer de l’air par la bouche et de souffler par le nez tout en gardant le vin dans la bouche. On fait ainsi passer de l’oxygène à travers le vin et on laisse ressortir par le nez …
« Le vin ou l’oxygène ? » lance un fana des blagues lourdes.
Imperturbables, nous continuons :
… pour ressentir toute la complexité aromatique du vin. Quelle est sa saveur de base : sucrée, salée, acide, amère ? Les aromatiques sont-elles plus prononcées ou fidèles au nez, ou au contraire sont-elles complètement différentes ?
Enfin, on va étudier le « toucher de bouche », c’est-à-dire la texture. Le vin est-il onctueux, tanique, astringent, acerbe, granuleux, enrobé, onctueux, doté d’une jolie matière, dense, gouleyant ?
Sur les rouges, on a de la chance, les Brouilly et Côtes de Brouilly ont des terroirs marqués. Vous noterez que le Brouilly a un fruité intense de framboise et petits fruits rouges acidulés, qu’il est gourmand et souple.
Le Côte de Brouilly est plus structuré, plus solaire. On a une concentration de fruits plus noirs comme la mûre et la cerise, il est légèrement plus tanique.
Voilà ! On vous a donné les bases de la dégustation. Déguster est à la portée de tout le monde quand on procède comme ça. Le fait de comparer les vins les uns à côté des autres, permet d’avoir des repères et de développer peu à peu la mémoire olfactive. Elle s’enrichira avec le temps et la pratique, alors, on recommencera !
Cris de joie de la bande, on apporte les victuailles, on vide et range le crachoir jusqu’à la prochaine séance. Promis, on vous la racontera !
Un grand merci à Gaëtan Bouvier, meilleur sommelier de France, pour ses précieuses explications, sa gentillesse et sa passion communicative !
* « In vino veritas ! » : « La vérité est dans le vin ! »
« Absentem lædit, qui cum ebrio litigat ! » : « Celui qui se querelle avec un ivrogne frappe un absent. »
« Abusus non tollit usum ! » : « L’abus n’exclut pas l’usage ! »
** Pardon si nous froissons quelques susceptibilités du Chablis ou du Beaujolais, telle n’est pas notre volonté, et nous estimons que « de soif » ou « des copains » sont de formidables qualificatifs !
*** Arômes empyreumatiques : arômes de brûlé tels que le tabac, la torréfaction, le caramel, le pain grillé, le chocolat, le goudron, le poivre ou encore la fumée.